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Mireille Camus – L’artiste

Dès son plus jeune âge attirée par les arts plastiques, Mireille Camus a longtemps exercé ses talents dans un petit atelier de la place Rossetti, au cœur historique du Vieux Nice. Son imagination créative s’exprimait alors dans le façonnage d’objets d’art et d’artisanat ou de vêtements, à partir de la récupération et du détournement de toutes sortes de matériaux — chiffons, papiers, corde, terre, sable ou galets — associés aussi bien, dans un esprit Arte povera, au macramé, au tissage, qu’à l’aquarelle, au batik ou à la peinture sur soie.

C’est surtout depuis les années 90 qu’elle se dédie entièrement à la peinture, lorsqu’elle quitte Nice pour la Charente-Maritime, dont elle est originaire. Animée par une dynamique de recherche soutenue, elle explore les techniques, les supports, les matières, les formes et les couleurs avec une grande liberté et l’inventivité des peintres autodidactes. Dans la mesure où l’abstraction souvent permet de révéler ce que cache la réalité, ou de la dépasser, elle se concentre sur un registre essentiellement mais non exclusivement abstrait.

La peinture de Mireille Camus n’est pas une peinture érudite, inspirée par une école ou se référant à une oeuvre. C’est une peinture vraie, directe, venue non pas du cœur mais des entrailles. Elle ne fait pas rêver, elle sème un trouble, pose des questions, entraîne vers des mondes insolites, des profondeurs éclairées par de mystérieux scintillements. Contempler ses tableaux est un réel bonheur : on n’a jamais fini de les interroger, d’y faire de nouvelles découvertes ; on remarque tout à coup un détail non perçu, une forme ou une couleur, ici un certain bleu d’indanthrène, là un rouge mat de Venise, qui, à la faveur d’un changement d’intensité de la lumière, se révèlent, prennent une nouvelle acuité, un éclat singulier, une profondeur inattendue et nous retiennent.

Mireille vit chacune de ses toiles comme une aventure, et de plus en plus en plus intensément à mesure qu’elle avance en expérience. Toute peinture est un qu’est-ce que cela ? nous dit le critique d’art Olivier Kaeppelin à propos de l’oeuvre de Gérard Garouste. Mireille Camus elle-même déclare : « je ne sais jamais où va me conduire le tableau quand je le commence. J’étale de la couleur sur la toile et si, à un moment donné, cette couleur appelle des formes plus construites, je peux tracer des lignes, accentuer des ombres et peut-être ces ombres me conduiront-elles à figurer des silhouettes, des maisons, des ports, des foules, des chutes d’eau, des troncs d’arbres ou des bateaux. Mais aussi bien, la couleur apposée au départ pourra juste s’enrichir d’une association avec d’autres nuances, de même tonalité ou contrastées, sans que la nécessité d’introduire un élément figuratif dans la toile s’impose ».

La peinture est un art qui sollicite le corps et les sens. Mireille Camus prend le temps de toucher les textures, d’en apprécier la finesse, la souplesse, la rugosité ; le temps d’étaler du plat de la main le gesso entre deux supports pour réaliser des empreintes ; de mélanger ou faire se côtoyer des substances ou des couleurs rares ; d’observer attentivement comment le papier ou la toile réagissent au matériau qu’on y applique. Elle prend plaisir à faire glisser sur le support les lames des couteaux pour obtenir des effets de matière ; elle respire sans défiance l’odeur des liants, des peintures ou des solvants ; puis elle sélectionne au toucher les matières qui vont enrichir la toile. Elle effectue tous ces actes de peinture comme des principes propres à inspirer directement son imagination, sans aucune arrière-pensée restrictive, sans souci trop pesant de « sens », d’esthétique ou même de technique… C’est comme si s’établissait entre l’œuvre et l’artiste une interdépendance exclusive, insouciante du regard que porteront les futurs amateurs sur le résultat final.

À l’instar de l‘artisan, il s’agit pour Mireille Camus de confectionner un ensemble qui soit, non pas esthétique — notion qui n’est pas présente quand elle travaille — mais qui soit cohérent, consistant, harmonieux et puissant. Matières, couleurs, support doivent trouver une manière d’être ensemble qui procure au peintre, sur la fin du tableau, une sensation d’accomplissement minimale — au sens de minimum vital — pour estimer son travail terminé.

Et là, l’ambition de Mireille Camus est que l’œuvre achevée trouve, par une voie qui échappe à sa créatrice, le moyen d’entrer en contact avec les ressorts secrets d’un regardeur, dans un profond inconnu de lui-même, peut-être.