La Terre : rêveries de la volonté et du repos

« Les images, qui sont des forces psychiques premières, sont plus fortes que les idées, plus fortes que les expériences réelles »

Gaston Bachelard

C’est avec une grande liberté et une intense sensitivité que Mireille Camus a traité des Éléments tout au long de son travail. Cheminant avec son œuvre, j’ai souvent été frappée par l’étonnante convergence, la coïncidence parfois — dans sa manière d’appréhender la matière, d’imaginer et de rêver les substances — avec la rêverie poétique de  Gaston Bachelard.

Les choix de Mireille Camus pour restituer, par les formes et les couleurs, une densité résistante de la pierre, une grise froideur du métal, une opacité translucide des pierres précieuses ou une méditation tranquille de la matière molle, rend compte des réseaux complexes de son imaginaire, de son intime participation aux constituants et à l’ambivalence de l’élément Terre. Rêvant de matière et de lumière, elle sait faire danser les ombres, adoucir des tons trop éclatants, apprivoiser des contrastes. La grande variété de ses thèmes, de ses techniques ou de sa palette raconte son étroite connivence, son lien serré avec la profondeur de la matière pour nourrir les formes ou distribuer les couleurs. Elle éclaire sa volonté de montrer ce qui, en chaque œuvre, relève des forces imaginantes plutôt que du réel.

L’acte pictural est le plus souvent le produit d’une lente élaboration. Entre la sensation initiale génératrice d’imagination jusqu’à l’achèvement de l’œuvre et a fortiori son interprétation par son auteur ou par ses regardeurs, s’intercale une série d’étapes entrecroisées. Par exemple, si au cours de ses balades le long du Célé, Mireille Camus est frappée par l’harmonie des teintes de la falaise, le jeu des ocres et des gris, l’aspect de dureté, de matité, de rugosité de la matière, ce n’est pas nécessairement « cela » qu’elle va peindre quelques semaines plus tard. Quand elle se retrouve devant la toile, la vision du Célé n’est plus présente en son esprit, elle se contente d’apposer librement, sans intentionnalité, des couleurs, de composer une œuvre purement abstraite, et c’est seulement une fois la toile achevée que le rapprochement avec le Célé se révèle pour elle et qu’elle peut la reconnaître comme inspirée par la Falaise du Célé, comme si les attributs de la falaise l’avaient elle-même pénétrée. Les temporalités de ces étapes de création se sont tressées depuis les sensations initiales jusqu’à la reconnaissance même du tableau. Elle peut la livrer telle quelle au regard des visiteurs ou ajouter un titre qui ouvrira un chemin à la rêverie imaginante du regardeur.

Il se peut même que l’association d’idées se produise a posteriori : prenons le cas du Chaos de Coumély : Mireille réalise un collage abstrait et n’élabore aucune interprétation spécifique à l’issue de son travail. Le collage reste sans nom. Ultérieurement elle découvre d’anciennes photographies en noir et blanc représentant le phénomène géologique survenu à Courmély,  proche et contemporain de celui de Gavarnie et aboutissant à un vaste et chaotique éboulement de roches cyclopéennes dans un vallon, aujourd’hui aménagé en un parcours d’escalades de grande difficulté, la Via Ferrata de Courmély. Ces photographies lui suggèrent une étroite association avec son collage, resté sans nom, qu’elle nomme alors Chaos de Coumély.

Il en est souvent ainsi dans son acte pictural : des temporalités différentes s’inscrivent entre la chose perçue, le cheminement subconscient des sensations, un acte de peinture ultérieur plus attaché à l’imaginé qu’au vu et, à l’issue du travail, l’évidence de la contiguité. Il s’agit là d’une démarche sans rapport avec celle du paysagiste naturaliste, qui produit une interprétation du paysage, mais qui relève plutôt du naturalisme abstrait, terme inventé par le critique d’art Michel Ragon dans les années soixante et correspondant, selon lui, aux œuvres « fortement imprégnées de la nature tant par le chromatisme que par le rythme, sans être pour autant figuratives ». Cette appellation conviendrait assez bien pour définir certaines des œuvres de Mireille Camus, qui visent essentiellement à exprimer l’émotion ressentie devant un paysage ou une matière naturelle.

La Terre selon Gaston Bachelard

Nous avons vu précédemment combien Bachelard nous aide à prendre conscience du rôle essentiel que jouent les éléments dans la structuration de notre imaginaire. La matière, selon ses caractéristiques propres, détermine un type d’imagination spécifique. Ainsi elle est d’abord travaillée imaginairement par le peintre ou le poète avant toute prise en main, toute tentative de transformation.

Des quatre éléments, la Terre est le plus substantiel, elle est l’archétype même de la matière : palpable, que l’on peut effleurer, tâter, manipuler, pétrir… A la différence des autres éléments, elle a comme première singularité une résistance et possède toutes les matières travaillées par la main de l’homme. Bachelard a consacré à ce quatrième et dernier élément, la Terre, deux ouvrages dont l’objet est d’étudier la rêverie et l’imagination créative qu’il produit :

Le premier livre, La Terre et les rêveries de la volonté, s’ouvre sur l’opposition du dur et du mou. Il explore la résistance plus ou moins forte que la densité des composants de la terre oppose à la « volonté incisive » de l’activité humaine. Évoquant le travail du sabotier, du sculpteur ou du travailleur de la pierre, l’auteur affirme que les matières dures, par l’utilisation d’outils à caractère agressif qu’elles suscitent, excitent en l’homme un désir de fouille, une volonté de lutte, de transformation et de domination de la matière. La matière molle (pâte, boue, glaise), n’est pas en reste : l’attirance humaine pour le travail et la maîtrise de la matière molle par le pétrissage constitue également une source de plaisir d’une grande richesse imaginative. Bachelard en réfère à l’activité du potier, du céramiste ou du boulanger. Le lyrisme dynamique du forgeron fait la synthèse entre les deux tendances puisque ses tâches alternent le dur et le momentanément mou.

Dans le second recueil, La Terre et les rêveries du repos, l’auteur analyse les rêveries de l’intimité de la terre du dessous, les rêves d’enracinement, le désir d’accéder à l’intérieur des choses, de s’y lover, qu’il définit comme images du repos. Il explore aussi les grandes images du refuge : la maison natale, le ventre, la grotte, la racine. Les aspects accueillants et invitants de la profondeur répondent non plus à la préposition contre du premier livre, mais à la préposition dans qui relève de l’intimité de la matière.

Mireille Camus a vu les multiples figures de la Terre, mais elle ne peint pas ce qu’elle voit, elle peint ce qu’elle rêve. A partir de son regard sur les choses, elle nous livre, en toute authenticité, ses rêveries intimes. C’est pour nous enchanter que les fragments de ses rêves, lentement, viennent se transformer et prendre vie sur ses toiles.

La Terre et les rêveries de la volonté

Le bois

Chutes du menuisier

A nous les images dynamiques de la gouge et du rabot, à nous la scie, à nous la varlope et la râpe, tous les outils aux noms si durs, si brefs que toute bonne oreille les entend travailler.

Georges Duhamel. La Pierre d’Horeb - Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries de la volonté
IMG_20210422_1658191

Le métal

IMG_20211110_1100551

Usine aciérie

Goujet, debout, surveillant une barre de fer qui chauffait, attendait, les pinces à la main. La grande clarté l’éclairait violemment, sans une ombre, il semblait un colosse au repos, tranquille dans sa force […] Quand la barre fut blanche, il la saisit avec des pinces et la coupa au marteau sur une enclume, par bouts réguliers, comme s’il avait abattu des bouts de verre, à légers coups… 

Émile Zola, L’Assommoir

L’Usine

Au milieu du tapage des usines, de minces tuyaux, sur les toits, soufflaient violemment des jets de vapeur ; une scierie mécanique avait des grincements réguliers, pareils à de brusques déchirures dans une pièce de calicot ; des fabriques de boutons secouaient le sol du roulement et du tic-tac de leurs machines.

Émile Zola, l’Assommoir

IMG_7424

La pierre

P1010613

Falaise du Célé

"Aînés des enfants de la nature : les rocs primordiaux".

Henri d’Ofterlingen, Novalis

Il semble que la pierre colossale donne,
Dans son immobilité même 
Une impression toujours active
De surgissement.

Chaos de Courmély
(Vallée de Gavarnie)

Je ne hais pas le rocher, il a sa raison d’être, il fait partie de la charpente terrestre. Je respecte son origine, et même je l’étudie avec un certain trouble religieux ; mais je vois la loi qui l’entraîne et qui, tout en le désagrégeant, réunit dans une commune fatalité sa ruine et celle des êtres qui ont poussé sur ses flancs.

George Sand, Valvèdre – Cité par Gaston Bachelard, in La Terre et les rêveries de la volonté

IMG_2462
IMG_20211002_1527371

Gros caillou sous la pluie

Dans le tiroir de la pluie
Le caillou
Ou autre chose
Qu’on va chercher
Avec des images autour
Qui éclaboussent encore.

François de Cornière, Extrait de Pour un peu

L’arbre

Automne en forêt

Appuyé au tronc dur et stable du chêne, Orlando sent son cœur s’apaiser ; il participe à la vertu apaisante de l’arbre tranquille, de l’arbre qui tranquillise le paysage. Le chêne n'arrête-t-il  pas jusqu’au nuage qui passe ? 

Virginia Wolf, Orlando – Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries de la volonté

DSC03062-001

Les matières de la mollesse

IMG_20210424_1100021

Le Mascaret

Le flux de la Mer, qui arrive deux fois en vingt-quatre heures, repousse ses eaux jusqu’à Saint-Macaire, à vingt-neuf lieues de son Embouchure. C’est peut-être du nom de ce lieu de Saint-Macaire que l’on a donné le nom de Mascaret à ce refoulement des eaux de la Garonne lors que le flux s’engorgeant dans son Embouchure oblige ce Fleuve à remonter impétueusement jusqu’à ce lieu.

Antoine-Augustin Bruzen de la Martinière,Grand Dictionnaire géographique et critique, (1768).

Le minéralisme

La mine

On dit que quand une mine vieillit, la matière des minéraux, ou des métaux, est tellement confondue avec celle des scories, que la séparation en est presque impossible, parce que l’esprit minéral qui devait la commencer, s’y trouve en petite quantité, et dans une extrême faiblesse.

Daniel Duncan, Chymie naturelle, 1687 - Cité par Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté 

La nuit minérale est en chacun de nous ce que le noir intersidéral est dans l’azur du ciel.
Joe Bousquet, Lettres à Magritte
IMG_20211121_1654001
IMG_20221107_1653561

Coucher de soleil sur Loos-en-Gohelle

Une mine vient-elle à s’épuiser, à dépérir, il suffit de la recouvrir de terre, de la rendre à sa végétation tranquille ; un siècle plus tard, on la rouvrira et on la trouvera en pleine croissance.

Jérôme Cardan, De Rerum varietate (De la Variété des choses), 1557 - Cité par Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté

Le cadeau

La Nature, pour l’alchimiste, est animée par un finalisme matériel. Si rien n’entrave ses efforts normaux, de tout métal la Nature fera de l’or […] Seul l’or « est l’Enfant de ses désirs ». L’or est « son fils légitime parce qu’il n’y a que l’or qui soit la véritable production ».

Traité d’alchimie
Cité par Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté
IMG_7546
IMG_20220121_1607131

Onyx

Tinerfena

…. Les Sierras peuvent onduler dans la lumière,
Les pics d’albe perle ou d’onyx
Jaillir, crevant le ciel et menaçant un monde,—
Tu ne vois que la pente rude aux pavés blancs

John-Antoine Nau, Hiers bleus - Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries de la volonté.

Éclat de grenat

Dès l’âge du bronze, le grenat est utilisé, notamment en Tchécoslovaquie où se trouvent les principales mines de grenat Pyrope.
En Égypte antique, on l’utilisait couramment dans les parures des pharaons, trésors qui les accompagnaient jusque dans leur tombeau.
Les Sumériens l’utilisaient pour ciseler des pierres.
Le grec Theophase appelait le grenat « anthrax » ou « charbon » et pensait qu’il donnait le pouvoir de voir la nuit.
Le Romain Pline l’ancien en fait la description. Il le nomme « aimandin carbunculus » en référence à sa couleur.
Les celtes l’utilisaient pour leurs bijoux et leurs armes afin de se donner courage et protection.

Emmanuelle Guyon, Le Bijou, miroir de vos émotions

20211016_102602
IMG_20211205_1604301

Obsidienne

Les pierres précieuses sont un défi au monde des ténèbres. Elles font honte aux charbons les plus vifs. Devant elles les ténèbres les plus obscures, n’en pouvant cacher ni ternir seulement la vivacité, sont contraintes de se cacher elles-mêmes. Étranges images des ténèbres repoussées dans leur tanière, du noir se cachant dans le noir, de l’ombre repoussée par la lumière.

Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté

Astéroïde 7. Le Collier de la Déesse

Un joaillier qui donne à son métier toutes les valeurs cosmiques choisira la pierre précieuse d’après la planète dominante et il la taillera d’accord avec les aspects régnants […] La pierre précieuse travaillée au juste temps par un grand ouvrier de la gemme est donc vraiment une pierre astrologique. Elle est de l’astrologie taillée dans une matière dure.

Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté

IMG_20210511_1843251

La pesanteur

Lourdeur et légèreté où l’imagination dynamique

« L’engramme d’une chute immense est en moi » nous dit Bachelard, après avoir grimpé l’escalier vertigineux de la flèche de Strasbourg, La chute approfondit l’abîme. »

DSC02950

L’Escalier

Je ne veux plus de ciel sans escalier,
Je ne veux plus que la neige tombe…

Ne tombe pas, étoile, mon étoile, reste en haut
Envoie le glacé, envoie la lumière,
Vois, tout près, la barrière du cimetière.

Essenine,  Anthologie de la Poésie russe

Nicolas de Staël

Je contemple les vallonnements légers du sol -– hauts et bas de verdure — rien en excès, ni haut, ni bas, Terre ondulée, coteaux si petits que le ciel  peut y descendre tendrement, les blés monter…

Elizabeth Barrett Browning
Anthologie de la poésie anglaise
Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries de la volonté
DSC02975-001
mms_img-21228818951001002

Montagne par nuit claire

Les pointes rocheuses menaçaient, surgissaient dans le ciel, s’interpellaient, composaient la grandiose polyphonie du cosmos (…), vertigineuses, verticales, d’énormes masses s’accumulaient les unes sur les autres, dans des abîmes escarpés s’échafaudaient les brumes ; des nuages vacillaient et l’eau tombait à verse ; les lignes des sommets couraient rapides dans les lointains ; les doigts des pics s’allongeaient et les amoncellements dentelés dans l’azur enfantaient de pâles glaciers, et les lignes des crêtes peignaient le ciel ; leur relief gesticulait et prenait des attitudes...

Andreï Biely, poète, écrivain 
Cité par Gaston Bachelard in Les rêveries de la volonté

Montagne et glaciers

« Le Mont Blanc, dit le fameux guide [Balmat], avait mis ce jour-là sa perruque, c’est ce qui lui arrive quand il est de mauvaise humeur, et, alors, il ne faut pas s’y frotter, mais le lendemain le moment est venu de grimper sur la taupinière. « Quand il est au sommet, Balmat s’écrit : « Je suis le roi du Mont-Blanc », je suis «  la statue de cet immense piedestal «.
Ainsi finit toute ascension, comme une volonté de piédestal. L’être grandit en dominant la grandeur.

Alexandre Dumas, L’Ascension du Mont-Blanc, relu par Gaston Bachelard in Les rêveries de la volonté

IMG_2524

La Terre et les rêveries du repos

Avec La Terre et les rêveries du repos, Bachelard poursuit sa recherche sur l’imagination de la matière se penchant cette fois sur les images de la profondeur, de ses aspects invitants et accueillants et, surtout, dépourvus d’hostilité. Après avoir exploré l’imagination terrestre régie par la préposition contre, il se propose de compléter son travail par une étude de l’imagination inscrite sous le signe de la proposition dans.

Bachelard s’intéresse d’abord à l’épaisseur des choses ; il affirme que c’est cette volonté de voir à l’intérieur de toute chose qui donne tant de valeur aux images matérielles de la substance.

Avec le paradoxe du fourmillement calme, du chaos immobile, qu’il nomme l’intimité querellée, il décrit les images qui, sous des dehors paisibles, évoquent une matière agitée.

Enfin, ce sont les grandes images du refuge, de la maison, du ventre, de la grotte qui composent la matière de la seconde partie de l’ouvrage.

« Je propose à chacun l’ouverture des trappes intérieures, un voyage dans l’épaisseur des choses, une invasion de qualités, une révolution ou une subversion comparable à celle qu’opère la charrue ou la pelle, lorsque, tout à coup et pour la première fois, sont mises à jour des millions de parcelles, de paillettes, de racines, de vers et de petites bêtes jusqu’alors  enfouies. Ô ressources infinies de l’épaisseur des choses, rendues par les ressources infinies de l’épaisseur sémantique des mots ! ».

Francis Ponge, Le Parti-pris des choses

L’Intimité

« Toute connaissance de l’intimité des choses est immédiatement un poème »

Gaston Bachelard.

20211016_102313

Pomme

Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité !

Henri Michaux, Au Pays de la magie – Cité par Gaston Bachelard La Terre et les rêveries du repos

La Maison, le ventre, la grotte, la racine

La Maison du souvenir

A certaine époque de notre vie nous avons coutume de regarder tout endroit comme le site possible d’une maison. C’est ainsi que j’ai inspecté tous les coins de la campagne […] En imagination j’ai acheté toute les fermes successivement… N’importe où je m’asseyais, là je pouvais vivre, et le paysage irradiait de moi en conséquence.

Henry David Thoreau, Walden 
Cité par Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos
IMG_20210422_1644031
IMG_20211115_1704241

Atelier Giacometti à Belleville

Dans les escaliers, l’obscurité s’est déjà faite. Étant enfant, j’avais peur le soir dans ces escaliers, il me semblait que les morts montaient après moi pour m’attraper les jambes, et alors je prenais ma course avec des angoisses folles, je me souviens bien de ces frayeurs ; elles étaient si folles qu’elles ont persisté longtemps, même à un âge où je n’avais plus peur de rien.

Pierre Loti, Fleurs d’ennui, Suleima – Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries du repos

Toile d’araignée

Je voudrais être comme l’araignée qui tire de son ventre tous les fils de son œuvre. L’abeille m’est odieuse et le miel est pour moi le produit d’un vol. 

Giovanni Papini, Un homme fini - Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries du repos
IMG_20211005_1625511
image0000001001002003004005006007008009010011012013014015016017018

Anatomie

Dans le ventre du brochet gris
Il découvrit un saumon pâle 
Dans le ventre du saumon pâle 
Se trouvait le lavaret lisse
Dans le ventre du lavaret
Il y avait une boule rouge
Au milieu de la boule rouge
Se trouvait la belle étincelle 
Qui s’était échappé du ciel
Avait traversé les nuages,
Les huit voûtes du firmament,
Les neuf arches de l’atmosphère.

Elias Lönnrot, kalevala – Cité par Gaston Bachelard in La Terre et les rêveries du repos

La Grotte

L’intérieur de la grotte

IMG_2517
Quadrilogie 1
IMG_2519
Quadrilogie 2
IMG_1764
Quadrilogie 3
IMG_2515
Quadrilogie 4

« Des mots à voix basse au fond de la grotte des Latomies
sont répétés très distinctement à l’ouverture,
un papier froissé dans les mains
produit le bruit du vent le plus violent,
enfin la décharge d’une arme à feu égale, sous cette voûte,
l’effet du tonnerre ».

On prétend que Denys, le tyran de Syracuse,
par un orifice situé sur le haut de la grotte,
écoutait les plaintes et les imprécations de ses victimes
enfermées dans les Latomies.

Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos

La Racine

Mangrove

Noire la mangrove reste un miroir,
Aussi une mangeoire.
La mangrove broie-tapie à part.
La mangrove respire 
Méphitique.
Vasard.
La tourbière serait bien pire.
(Ce n’est rien que du haut : mort à la base même portant beau)
Au contraire le fruit flotte 
le poisson grimpe aux arbres.
On peut très bien survivre mou en prenant appui sur la vase commensale.
L’allure est des forêts 
La dodine
Celle du balancement des marées.

Aimé Césaire, La Condition-mangrove
IMG_1432

Pour accompagner les œuvres retenues pour évoquer l’élément Terre, la plus grande partie des textes d’accompagnement est issue des deux ouvrages de Gaston Bachelard sur la Terre.